Les invariants : les aspects favorisant les échanges et la réflexion

Peu importe le contexte d’application choisi pour l’exercice réflexif, des aspects favorisant les échanges et la réflexion, que nous appelons les invariants, doivent d’abord être considérés. Consultez les accordéons pour en savoir plus.

Choix du lieu, du moment et des modalités d’accueil

Le choix du lieu et du moment où se dérouleront les échanges sur les pratiques d’autonomie communautaires conditionne en grande partie l’ambiance dans laquelle ce travail de réflexion s’amorcera. Par exemple, il serait dommage de consacrer deux heures trente de son temps à réfléchir et à échanger dans des conditions stressantes en raison du fait qu’un atelier se déroulerait dans un lieu ouvert, ce qui susciterait la crainte d’être écouté.e.s ou dérangé.e.s par d’autres acteur.trice.s extérieur.e.s à l’atelier. Pensons aussi au choix d’un moment qui ne serait pas propice à un.e participant.e à cause de préoccupations associées à un événement extérieur venant perturber la quiétude nécessaire à la réflexion. Un cadre discret et paisible pour la tenue de l’atelier est propice aux échanges pour lesquels une bonne concentration est sollicitée, ce qui permet de mieux réfléchir aux enjeux de positionnement des pratiques d’autonomie de son organisme. En outre, cette disposition transmet un message aux participant.e.s en signalant l’importance que représente ce moment de discussion pour les organismes qui ont décidé de l’investir.

Le temps consacré à faire le point sur ce type de pratiques ne doit pas non plus être pris à la légère, surtout dans un contexte social où le temps nous manque toujours pour réfléchir calmement et en profondeur sur un sujet d’importance comme celui de l’autonomie des destinataires de l’action communautaire. C’est pourquoi la durée de deux heures trente, qui inclut une pause de dix minutes, n’a jamais été superflue dans ce type d’ateliers. Au contraire, elle a toujours permis aux participant.e.s de ne pas se sentir bousculé.e.s et de prendre le temps de penser, c’est-à-dire d’aller jusqu’au bout de leurs idées. Lorsque des accompagnateur.trice.s sont présent.e.s, cette durée leur offre également une latitude pour instaurer un climat de confiance qui ne s’établit pas en dix minutes.

Les conditions d’accueil sont aussi importantes qu’elles le sont en milieu communautaire auprès des destinataires. En offrant aux participant.e.s des ateliers une collation et des breuvages (ex. : biscuits, fruits, noix, cafés, thés, etc.), nous avons observé que cette attention accueillante était toujours appréciée et permettait souvent de briser la glace. Elle contribue principalement à désamorcer la perception qu’un atelier de réflexions critiques doit nécessairement être une épreuve désagréable, stressante et potentiellement menaçante. La peur du jugement de l’autre sur notre mode d’expression et sur nos propres pratiques peut en freiner plusieurs à s’engager dans ce type de rencontre. La présence d’une collation au centre de la table marque symboliquement un temps de pause et de partage, où faire le point sur un sujet complexe peut aussi se faire dans la détente et le plaisir d’échanger. Au final, il s’agit aussi d’une marque de reconnaissance envers les participant.e.s qui osent s’engager dans une réflexion sur le sens donné aux pratiques d’autonomie communautaires. Lorsque des accompagnateur.trice.s sont présent.e.s, leur attitude devrait aussi renforcer ces conditions d’accueil par un désir d’ouverture à l’autre et de la rencontre.

Conditions d’animation

La richesse de l’entretien de groupe pour les participant.e.s réside dans la possibilité de comparer leurs propos, de ressortir plusieurs idées et de les nuancer. « Les échanges favorisent l’émergence des connaissances, opinions et expériences comme une réaction en chaîne » (Thibault, 2010, s.p.). L’interaction et la dynamique en duo ou de groupe permet de stimuler la discussion autour d’expériences communes ou divergentes des différentes personnes qui ont un attachement quelconque pour l’organisme, soit à titre de personnes participant aux actions et aux activités ou de responsables de ces actions. Cette modalité de groupe est une condition essentielle pour favoriser un approfondissement des discussions où les participant.e.s se sentent réellement concerné.e.s, écouté.e.s et invité.e.s à s’exprimer non seulement sur leurs différentes expériences, mais aussi sur les aspects et opinions qui les relient et qui les opposent concernant les pratiques d’autonomie actuelles et désirées.

Faciliter la compréhension par le partage de documents en amont de l’atelier de réflexion

En amont de l’atelier de réflexion, la démarche d’accompagnement prévoit de faire parvenir une fiche explicative (Outil 11 et Outil 12) à chaque participant.e une semaine avant l’atelier. Cette fiche explicative décrit et présente, de façon résumée, le schéma d’analyse des pratiques d’autonomie. De plus, elle offre des indications sur ce qui est attendu de chaque participant.e lors de l’atelier. Ce résumé permet aux participant.e.s de se préparer pour engager la discussion. En effet, toute personne a besoin de réfléchir préalablement à sa propre compréhension des pratiques qu’elle tente d’expliquer. En obtenant la fiche explicative à l’avance, le.la participant.e peut déjà entamer la réflexion et se préparer à la tenue de l’atelier.

Le rôle de l’accompagnateur.trice externe à l’organisation

Pourquoi le fait d’être accompagné.e par une personne externe à l’organisme est aussi important dans ce type de démarche réflexive? Parce que son rôle est de moduler les échanges afin qu’ils demeurent respectueux et permettent l’expression d’une diversité de points de vue. Dès l’introduction, l’accompagnateur.trice s’assure que les participant.e.s ont bien compris l’objectif de la démarche et les éléments théoriques qui leur ont été transmis sur les pratiques d’autonomie (fiche explicative et schéma des pratiques d’autonomie). Tout en assurant l’animation des rencontres et des ateliers, il.elle demeure à l’affût des imprécisions et sollicite au besoin des demandes de clarification. La personne accompagne les participant.e.s dans l’exercice d’analyse et s’assure d’une compréhension commune du schéma de réflexion afin que ce dernier puisse offrir la distance critique nécessaire aux participant.e.s quant aux pratiques d’autonomie de leur organisme. De plus, l’accompagnateur.trice externe formé.e à ce type d’exercice doit être perçu.e comme potentiellement neutre par rapport au contenu des échanges et des enjeux organisationnels. Son rôle implique aussi de repérer les situations de conflits d’intérêts dans la formation des groupes en atténuant les rapports d’autorité ou d’influence entre les responsables et les destinataires, par exemple.

Rapports d’autorité ou d’influence

Être attentif.ive aux rapports d’autorité et d’influence est essentiel dans le cadre d’une telle démarche réflexive où différents groupes d’acteur.trice.s sont invité.e.s à partager leurs points de vue dans un cadre qui vise à éviter, autant que possible, l’autocensure. Lorsque nous souhaitons assurer l’autonomie sociale des personnes, nous négligeons souvent la présence de rapports d’autorité qui ne sont pas nécessairement explicites ni désirés par les personnes impliquées, mais qui existent malgré notre volonté consciente. Par exemple, au moment de constituer des groupes homogènes, nous ne pouvons demander aux responsables de sélectionner eux.elles-mêmes un.e destinataire, pour la simple raison que ce.cette dernier.ère pourrait se sentir contraint.e de participer à l’atelier par peur de perdre quelque chose en cas de refus. Une autre situation susceptible de limiter les propos en raison d’un rapport d’autorité pourrait survenir lorsqu’un.e destinataire est invité.e à donner son point de vue sur une activité en présence de l’intervenant.e avec qui il.elle a développé un lien de confiance, par exemple en raison d’un suivi psychosocial. Au nom de la liberté de choisir des individus, nous sous-estimons souvent les liens de dépendance ou les rapports d’autorité susceptibles d’exister entre une personne venant chercher de l’aide et un.e employé.e ou un.e professionnel.le.

Créer des moments de réflexion entre des groupes homogènes

Plusieurs raisons expliquent l’importance que nous accordons à la formation de groupes homogènes d’acteur.trice.s pour réaliser certaines étapes et rencontres tout au long de la démarche. L’un des principaux apports de la sociopsychanalyse est qu’elle considère les contraintes d’expression des participant.e.s à un échange collectif dans une organisation. Pensons aux contraintes liées aux rapports d’autorité pouvant traverser les relations entre intervenant.e.s, administrateurs.trice.s et destinataires au sein d’un organisme communautaire. Lorsque ces échanges collectifs ont lieu en face à face, les différences de pouvoirs, qui sont réels ou imaginés, peuvent altérer la liberté d’expression ou l’amplifier, à l’image d’une famille où les rôles sont plus ou moins hiérarchisés. L’une des façons d’atténuer cet obstacle à l’échange démocratique, c’est de réunir les participant.e.s au sein d’un groupe homogène dont le critère d’homogénéité est l’acte de travail ou l’acte social dans l’organisation. C’est pourquoi nous proposons dans un premier temps de faire l’exercice réflexif sur les pratiques d’autonomie entre de petits collectifs d’intervenant.e.s, de destinataires ou d’administrateur.trice.s, et non tout le monde ensemble. Il s’agit de reconnaître et de respecter l’existence d’une spécificité des intérêts selon le statut occupé dans l’organisme. Ces petits collectifs ou groupes doivent jouer un rôle non seulement de concertation, mais aussi de soutien mutuel et de protection face à la crainte de s’exprimer sur certains sujets. C’est pourquoi l’animation de ces ateliers réflexifs doit respecter l’anonymat des participant.e.s en ce qui concerne l’identité des personnes qui auraient dit telle ou telle chose pendant la rencontre. Le contenu des échanges à transmettre aux groupes homogènes lors de la mise en commun des réflexions doit être décidé collectivement et présenté comme une parole collective plutôt qu’une parole individuelle.

Ajoutons que si les discussions soulèvent des tensions importantes entre des participant.e.s de groupes homogènes différents, ou suffisamment présentes pour limiter l’expression de certain.e.s participant.e.s, nous suggérons à l’accompagnateur.trice de transmettre les communications entre groupes homogènes par écrit. Cette méthode permet de poursuivre une négociation sans compromettre les échanges tout en traitant le conflit. L’accompagnateur.trice se voit donc attribué.e un rôle de régulateur.trice des échanges écrits. Ceci consiste à inviter les membres de chaque groupe à rédiger leurs questions, leurs commentaires ou leurs demandes en argumentant et en contextualisant leurs propos de façon à ce que les autres groupes comprennent bien les tenants et aboutissants de la communication. L’accompagnateur.trice ne doit pas intervenir sur le contenu de la communication écrite, mais seulement sur la forme, de façon à ce que les messages soient clairs et qu’ils reflètent bien les points de vue des participant.e.s du groupe homogène. Par la suite, c’est l’accompagnateur.trice qui distribue sans les commenter les communications écrites auprès du groupe ou des autres groupes d’acteur.trices. Cette méthode de communication permet d’assurer un travail de concertation non perturbé par des réactions spontanées qui pourraient survenir lors d’une présentation en face à face et engager les groupes dans des directions non désirées par les participant.e.s des groupes homogènes.

Un climat de confiance pour parler de ses pratiques

Mises à part les conditions d’accueil et l’attitude empathique de l’accompagnateur.trice, il faut préciser que, avant même de commencer l’atelier, il est important de rassurer les participant.e.s en soulignant que l’exercice ne constitue pas une évaluation de l’organisme ni un examen de ses activités. Il s’agit surtout d’une conversation où le.la participant.e est invité.e à exprimer son point de vue sur les pratiques d’autonomie de son organisme dans un climat d’écoute et de compréhension de son expérience.

L’un des principaux apports de la sociopsychanalyse est de considérer les contraintes d’expression des participant.e.s à un échange collectif dans une organisation, particulièrement celles inhérentes aux rapports d’autorité pouvant traverser les rapports entre intervenant.e.s, administrateur.trice.s et destinataires de l’action communautaire. Lorsque ces échanges collectifs ont lieu en face à face, les différences de pouvoirs (réels ou imaginés) peuvent altérer la liberté d’expression ou l’amplifier, à l’image d’une famille où les rôles sont plus ou moins hiérarchisés, et ce, à l’insu des volontés individuelles. L’une des façons d’atténuer cet obstacle à l’échange démocratique, c’est de réunir les participant.e.s au sein d’un groupe homogène dont le critère d’homogénéité est l’acte de travail ou l’acte social dans l’organisation. C’est pourquoi nous proposons, dans un premier temps, de faire l’exercice réflexif sur les pratiques d’autonomie entre de petits collectifs d’intervenant.e.s, de destinataires ou d’administrateur.trice.s, et non tout le monde ensemble. Il s’agit de reconnaître et de respecter l’existence d’une spécificité des intérêts selon le statut occupé dans une organisation. Ces petits collectifs doivent jouer un rôle non seulement de concertation, mais aussi de soutien mutuel et de protection face à la crainte de s’exprimer sur tel ou tel sujet. C’est pourquoi l’animation de ces ateliers réflexifs doit respecter l’anonymat des participant.e.s en ce qui concerne l’identité des personnes qui auraient dit telle ou telle chose pendant la rencontre. Le contenu des échanges à transmettre à l’un ou à l’autre des groupes homogènes doit être décidé collectivement et présenté comme une parole collective et non individuelle.

À quoi faire attention en appliquant la démarche

Il importe de considérer que la compréhension et la perception du positionnement de chaque destinataire sont influencées par son expérience au sein de l’organisme, par les activités auxquelles il.elle prend part et ce qu’il.elle vient chercher. En ce sens, l’interprétation du positionnement peut grandement varier d’un.e destinataire à un.e autre.

En tant qu’accompagnateur.trice, il est essentiel d’être conscient.e du travail que cela représente pour tous les participant.e.s de s’impliquer dans cette démarche réflexive. Il convient donc de signaler aux participant.e.s la complexité de l’analyse derrière cette démarche sans décourager pour autant le désir de relever le défi de l’exercice. Il s’agit d’un travail de mise en confiance vis-à-vis l’incompréhension et les demandes de clarification, ainsi que de déculpabilisation potentielle pour les participant.e.s qui ne se sentiraient pas légitimé.e.s de porter un jugement sur le travail d’un organisme qui lui vient en aide.

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