Analyser les pratiques d’autonomie

La lutte pour la défense de l’autonomie des organismes communautaires québécois a fait l’objet de nombreuses réflexions et mobilisations au sein de tous les secteurs d’action communautaire. En revanche, les enjeux qui entourent les pratiques quotidiennes de l’action communautaire visant le développement de l’autonomie des personnes à qui est destinée l’action communautaire (destinataires), et pour lesquelles les organismes communautaires existent, ne font pas beaucoup l’objet de réflexions collectives. La question de l’autonomie des destinataires de l’action communautaire n’est pas chose aisée à définir, à comprendre et encore moins à débattre entre travailleur.euse.s et destinataires.

C’est pourquoi l’exercice de réflexion auquel nous vous invitons sur ce site vous propose d’expérimenter une façon d’aborder cette question qui vous permettra d’abord de différencier certaines conceptions de pratiques d’autonomie qui traversent l’ensemble des secteurs d’organismes communautaires. Il s’agit de mettre des mots sur ce qui se joue dans ces pratiques d’autonomie afin que vous puissiez en débattre avec les acteur.trice.s impliqué.e.s au sein de vos organismes, et de mieux jouer le rôle social pour lequel vous souhaitez vous mobiliser.

Pour ce faire, un schéma pédagogique présentant trois tendances qui se dégagent des pratiques communautaires actuelles au Québec (Outil 1 et Outil 2) permet aux acteur.trice.s impliqué.e.s dans les organismes de comparer leurs pratiques et de les associer, si cela s’applique, à une ou plusieurs des tendances proposées (pratiques d’expertise, pratiques de représentation et pratiques de participation). En effet, chaque tendance est associée à des buts et à une finalité que se donnent les organismes à travers leurs pratiques. De façon consciente ou inconsciente, ces différentes pratiques contribuent à favoriser le développement de l’autonomie des destinataires sous différentes formes (autonomie orientée, autonomie anticipée et autonomie partagée). Chaque tendance est donc assortie d’un vocabulaire distinctif qui permet aux participant.e.s à la démarche réflexive de mettre des mots pour parler de leurs pratiques.

Incidence des pratiques d’autonomie communautaires sur la vie sociale des destinataires

Le contexte social actuel tend à imposer une conception néolibérale de l’autonomie réduite à faire porter le poids de la responsabilité des problèmes sociaux à l’individu.e seul.e et à le mettre en concurrence avec la trajectoire de vie de la majorité. Il est donc essentiel pour les acteur.trice.s communautaires de pouvoir reconnaître ces différentes visions des pratiques d’autonomie et, surtout, les conséquences de ces pratiques sur le mode d’existence sociale des personnes concernées.

Ce vidéo vous invite à réfléchir davantage à ces enjeux.

À titre d’exemple, un discours et/ou des pratiques (conscientes ou inconscientes) prônant une responsabilisation et une autonomisation de la personne vis-à-vis un problème qu’elle rencontre peut avoir des effets réels sur elle. En effet, face à l’impossibilité de s’approprier l’exigence d’autonomie telle qu’elle est aujourd’hui formulée, sans considération pour les réelles marges d’action et les conditions matérielles des personnes, ces dernières sont plus susceptibles de vivre de la culpabilisation, un déficit de reconnaissance et une dévalorisation d’elles-mêmes. Ces conséquences ne doivent pas être prises à la légère, particulièrement pour les intervenant.e.s de l’action communautaire, qui jouent un rôle parfois majeur auprès de leurs destinataires en leur apportant, notamment, un soutien différent de celui des secteurs public et privé.

Dans un premier temps, cette compréhension permet aux groupes d’être en mesure d’en débattre collectivement, et ensuite de faire des choix éclairés en matière d’orientation des pratiques d’action communautaire et du rôle social que souhaitent jouer les organismes dans la société québécoise.

Prise en compte des points de vue de l’ensemble des acteur.trice.s d’un organisme sur les pratiques d’autonomie communautaires

L’implication et la participation de l’ensemble des acteur.trice.s concerné.e.s par l’organisme (destinataires, travailleur.euse.s, bénévoles et membres du conseil d’administration) sont des conditions essentielles de la présente démarche, si l’on part de la prémisse qu’une réflexion sur l’orientation/amélioration des pratiques doit se faire en considérant le point de vue et l’expérience différentielle vécue de l’ensemble des personnes. De plus, une telle démarche participative s’inscrit dans un des principes directeurs de l’action communautaire, soit « entretenir une vie associative et démocratique ». Néanmoins, cette mise en commun et cette considération des différents points de vue comportent des défis et nécessitent certaines conditions d’application pour que le processus dépasse la consultation et permette aux participant.e.s concerné.e.s d’exprimer, avec le moins de contraintes possibles, leurs opinions. 

Pour ce faire, l’approche que nous avons adoptée pour favoriser l’expression de l’ensemble des participant.e.s de l’organisme communautaire est inspirée de la sociopsychanalyse. Cette approche soutient qu’il vaut mieux regrouper les personnes qui font le même travail, ou vivant des conditions sociales semblables, lorsque nous souhaitons obtenir un point de vue élaboré collectivement, et non seulement recueillir une addition de points de vue individuels. Lorsque des acteur.trice.s ayant des statuts inégaux tentent d’établir un dialogue démocratique en face à face, il n’est pas rare de voir des rapports asymétriques de pouvoir s’insinuer et souvent à l’insu des participant.e.s. Offrir un lieu et un moment de mise en commun au sein de groupes homogènes composés d’acteur.trice.s de l’organisme qui se reconnaissent dans leurs actes partagés est susceptible de favoriser le développement d’un environnement protecteur pour l’individu dont l’identité sociale est respectée. Il en va du lien de confiance qui peut alors s’instaurer, tout en évitant que la personne craigne de nuire à certaines relations significatives et de perdre quelque chose en exprimant librement son opinion. La concertation au sein des groupes homogènes facilite par la suite l’exercice de la négociation entre des groupes mieux préparés à se rencontrer.

À la suite de cet exercice, une mise en commun de tous les groupes devient possible grâce au pouvoir que détient chacun d’eux quant au choix du contenu qu’il souhaite partager, présenter et discuter avec les autres groupes.

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