Définir l’autonomie
Ce vidéo vous permettra d’appréhender les distinctions entre l’autonomie organisationnelle et l’autonomie des destinataires de l’action des organismes communautaires, laquelle se décline en deux conceptions : l’autonomie individuelle et l’autonomie sociale.
Distinguer autonomie organisationnelle et autonomie des destinataires
Explorez ici les distinctions entre l’autonomie organisationnelle et l’autonomie des destinataires de l’action des organismes communautaires.
Autonomie organisationnelle
L’autonomie est depuis longtemps une revendication du mouvement communautaire au Québec. Les organismes la réclament autant pour leur propre gestion organisationnelle que pour les destinataires de leurs interventions. Alors que la question de l’autonomie des organismes a fait l’objet de fréquentes réflexions et analyses, peu de recherches ont traité directement du type d’autonomie que les organismes communautaires tentent de favoriser chez leurs destinataires et pour les communautés auprès desquelles ils interviennent. C’est pourquoi nous attirons votre attention sur les enjeux entourant les conceptions de l’autonomie des destinataires de l’action communautaire visant à orienter les pratiques d’une certaine manière.
Autonomie des destinataires
Souvent qualifié de « transformation sociale », le rôle social de l’action communautaire s’exprime généralement par un certain nombre d’objectifs qui sous-tendent la nécessité de développer l’autonomie des personnes marginalisées : « briser l’isolement des personnes », « développer leur plein potentiel », « défendre leurs droits », « favoriser leur participation citoyenne », « combattre la pauvreté », « offrir un accompagnement et des outils pour pouvoir se développer ».
Cependant, la conception de l’autonomie des personnes à qui l’on destine des services, des droits ou des espaces d’implication sociale n’est pas explicite, ou est à tout le moins confuse. Nos travaux de recherche collaborative ont pu montrer l’existence de différentes conceptions des pratiques d’autonomie communautaires, que nous avons illustrées à l’aide d’un schéma présentant trois types de positionnements possibles, que vous retrouverez dans cet outil :
Des pratiques d’autonomie centrées autour des besoins institutionnels ou des désirs des personnes?
Ajoutons que depuis les années 1980, l’action communautaire québécoise a représenté pour l’État une sorte de main-d’œuvre bon marché potentielle au service des institutions gouvernementales en mal de rationalisation budgétaire. Face à un sous-financement chronique, certains organismes communautaires acceptent de travailler selon des exigences institutionnelles en retour d’un financement (bailleur.euse.s de fonds, programmes gouvernementaux ou de fondations privées), mais dont l’orientation ne correspond pas nécessairement à celle de l’organisme. Si cette stratégie permet à plusieurs de survivre pour poursuivre leur mission, ce détournement de pratiques a aussi pour effet de transformer à plus ou moins long terme la vision de l’autonomie des personnes pour lesquelles l’organisme existe. Par exemple, il existe une différence de conception de l’autonomie entre une pratique qui est déjà balisée par des catégories institutionnelles de problèmes, des procédures de prise en charge ou des objectifs de résultats, et une pratique qui prend en compte la façon dont les personnes analysent leurs propres situations, en partagent leurs points de vue avec leurs pairs, et entreprennent des initiatives collectives. Nous avons ici deux positions bien différentes pour orienter des pratiques d’autonomie.
Distinguer autonomie individuelle et autonomie sociale
De plus, s’intéresser spécifiquement à l’autonomie des destinataires ne peut se faire selon nous sans distinguer deux conceptions de l’autonomie qui traversent les pratiques des organismes communautaires, soit l’autonomie individuelle et l’autonomie sociale. Ces deux conceptions sont souvent mises en opposition alors que, pourtant, dans la vie quotidienne, elles s’entremêlent constamment.
Autonomie individuelle (indépendance)
L’autonomie individuelle fait référence à la capacité d’indépendance de l’individu où ce dernier cherche à être autonome dans l’ensemble des sphères de sa vie (travail, famille, logement, études, etc.). L’autonomie individuelle telle que promue par les normes ambiantes de la société actuelle encourage la responsabilisation de l’individu afin qu’il actualise ses capacités à s’intégrer à la société en se libérant, autant que possible, de toute forme de dépendance (particulièrement étatique). L’autonomie individuelle s’apparenterait donc à un devoir de croissance et d’épanouissement personnel lié à l’atteinte de compétences et à la prise en charge de soi, à l’image d’un.e entrepreneur.euse. Cette conception de l’autonomie est parfois considérée comme exclusive, ce qui ne correspond pas à la réalité vécue des personnes puisqu’elle ne prend pas en considération l’importance et l’incidence des relations sociales, faites d’appartenance et de dépendance, qui enrichissent la vie de toute personne.
Autonomie sociale et relationnelle (interdépendance)
En réaction à cette conception individualisée de l’autonomie qui place l’individu comme étant le seul responsable de son développement, plusieurs auteur.trice.s reprochent à cette vision de penser le rapport à soi sans rapport avec le monde social fait d’interactions et de liens d’interdépendance caractérisant la vie en société. S’intéresser à l’autonomie de l’individu ne peut donc se faire qu’à travers les rapports à l’autre, puisqu’il est impossible d’être autonome sans liens de dépendance et de relations avec les autres (interdépendance). Selon cette conception, que l’on nomme l’autonomie sociale et relationnelle, toute personne est plus ou moins dépendante, chacune à sa façon, « inégalement et d’une manière dynamique et variable selon les conjonctures » (Barreyre et al., 1995, p. 61). Il importe alors de bien saisir le contexte relationnel des pratiques communautaires pouvant faire varier la nature et le degré d’autonomie des personnes soutenues (destinataires) par l’organisme. C’est à l’aide de ce concept d’autonomie relationnelle que nous avons élaboré notre schéma d’analyse des pratiques d’autonomie communautaires (Ricard, 2013).